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lundi 12 décembre 2011

LA NECESSITE DE LA MIXITE SOCIALE: LE TEMOIGNAGE D'UNE ANCIENNE ELEVE DE RIVE-GAUCHE

Ancienne élève du Lycée Rive Gauche durant les années 2004-2007, j'ai eu la chance de recevoir un enseignement d'exception, dans un établissement où la mixité sociale est facteur de réussite scolaire.

 Je suis issue d'un quartier dit défavorisé celui du Mirail-Pradettes. J'ai fréquenté le collège Louis Nicolas Vauquelin puis j'ai intégré Rive Gauche, lycée de mon secteur.

J'ai passé au sein du lycée mes plus belles années étudiantes. Seule élève de ma classe économie sociale, à être issue du quartier du Mirail, j'ai rencontré et fréquenté durant 2 très belles années, des lycéens venant de Tournefeuille et de Plaisance du Touch.

 Ma plus grande richesse c'est d'avoir pu côtoyer des personnes qui étaient différentes de moi, de par ma culture, mes origines; ça m'a permis d'avoir une ouverture d'esprit, une ouverture sur les autres. Sans cette expérience, je suis certaine que je ne serais pas la même personne aujourd'hui et je suis quasi sûre que je ne me serais pas donné les moyens de réussir en faisant des études universitaires.  Ces personnes que j'ai côtoyées font toujours partie de mon cercle d'amis le plus proche et elles sont devenues ma nouvelle famille.

Pour moi il est vraiment essentiel que la mixité sociale soit préservée au sein du lycée.
En premier lieu pour le côté humain, les rencontres que j'ai faites durant ces années m'ont permis de forger mon identité. En effet, car il ne faut pas oublier qu'un lycéen en plus du choix de son orientation, c'est durant ces années, qu'il est en plein dans cette crise souvent nommé "crise d'adolescence" je la qualifierais plus de recherche de personnalité et d'identité.

C'est pourquoi l'échange culturel qu'il y a eu durant ces 2 années a été vraiment enrichissant. En effet, je pense avoir pu au cours de ces années, donner une image positive d'une jeune « enfant d'immigrés » et «de banlieue» ce qui a permis vraiment d'effacer tous sortes de stéréotypes, que certains entretenaient du fait qu'ils n'avaient pas pu fréquenter des personnes issues de mon milieu, pour se forger leurs propres opinions sans tenir compte de toutes ces idées préconçues.

Des personnes ambitieuses, déterminées et civilisées issues de quartiers défavorisés il y en a énormément, seulement ce n'est pas sur eux que les regards sont fixés. D'une manière générale, les médias ainsi que les pouvoirs publics préfèrent insister sur les jeunes désorientés issus de ces mêmes quartiers qui ont tourné le dos aux études par manque de volonté ou peut être à cause de la fatalité et des aléas de la vie.
En ce qui concerne les préjugés, bien évidemment j'en avais aussi, sur les lycéens issus des beaux quartiers (comme je les appelais) de Plaisance et de Tournefeuille.

C'est pourquoi, ce projet va entraîner une forte concentration ethnique et religieuse des lycéens et va provoquer la ghettoïsation d'un établissement envié de tous. Cette concentration d'enfants issus de milieux sociaux dit défavorisés peut devenir un handicap pour tous ceux qui y sont rassemblés et donc nuire à leur future intégration économique. En plus, non seulement de pénaliser les élèves concernés, cette concentration, va se trouver en contradiction avec l'une des missions affectées à l'enseignement qui est celle de l'intégration sociale et culturelle.

Peut être que je n'ai pas eu le luxe d'habiter dans une maison à Tournefeuille ou bien Plaisance, j'ai vécu dans un HLM:est ce que ça fait de moi une personne moins intelligente, moins ambitieuse, moins « civilisée », pour que l'on veuille isoler tous ces jeunes qui sont dans ma situation. Pourquoi doit-on priver les jeunes de Tournefeuille/ Plaisance tous comme ceux du Mirail, de ce brassage culturel? Ce projet de création de la section générale au lycée Françoise prône la ségrégation sociale et ne fait qu'amplifier ce sentiment de peur et d'insécurité IMAGINAIRE sur les quartiers du Mirail et des alentours. Ce projet alimente pour moi tous les préjugés que l'on peut avoir sur les personnes issues de milieux sociaux défavorisés, ces mêmes préjugés que l'on s'acharne à effacer.


Le lycée Rive Gauche a d'excellents résultats au bac, (bien avant Fermat et Ozenne) au delà de l'aspect humain, l'autre danger de la sectorisation du lycée c'est l'échec scolaire. En effet, les collèges des environs Vauquelin  (mon ancien collège), la Cépière, Bagatelle, Reynerie vont donc accepter le passage de certains élèves de troisième qui n'ont pas le niveau requis pour passer dans la section générale. Ceci dans le but de pallier le manque d'effectifs au sein des classes de secondes. Du coup, le niveau du lycée va chuter et déjà que le bac est remis en question, sa valeur sera totalement compromise si d'ailleurs ces élèves dont les notes ont été gonflées ou surévaluées l'obtiennent.


En ce qui me concerne, après avoir obtenu mon bac économie et sociale, j'ai intégré l'université de Droit de Toulouse, je suis maintenant en Master 2 Juriste d'entreprise (dernière année de mon cursus) et je suis en alternance au sein du service juridique du leader français des installations électriques. Si on considère que j'ai réussi car j'ai fais les bonnes rencontres au bon moment alors cette réussite je la dois au Lycée polyvalent et à sa mixité sociale.
Mon histoire n'a rien d'exceptionnelle et des personnes au parcours similaire, il y en a déjà eu et j'espère vraiment qu'il y en aura encore plus.

Dorsaf HEZZI

jeudi 8 décembre 2011

L'ARTICLE DU CAFE PEDAGOGIQUE

Des sociologues contre un projet de sectorisation à Toulouse
"Est-il « raisonnable » de passer de 15 classes de seconde à 8 classes, de 25% de boursiers à plus de 50% ? Quelle voie générale (séries ES, L et S) pourra bien subsister lorsqu’on sait que 2 classes seront fléchées STI Arts Appliqués et que par projection sur les 6 classes restantes l’orientation majoritaire serait la série STG ? Et comment prétendre que la mixité sociale sera préservée quand plus de la moitié des élèves de ces secondes auront en commun d’être issus de zones urbaines sensibles et de familles socialement défavorisées ?" Des enseignants du lycée polyvalent Rive gauche de Toulouse se battent contre l'ouverture d'un nouveau lycée polyvalent en 2014 sur leur secteur. Installé dans le quartier populaire Le Mirail, le lycée Rive gauche attire, par son monopole sur un vaste territoire, des élèves de séries générales de quartiers non défavorisés de l'agglomération. Il voit d'un mauvais oeil la construction d'un autre lycée sur sa zone.

Son combat bénéficie du soutien de sociologues renommés (C Baudelot, S Beaud, C Ben Ayed, S Broccolichi, P Merle, B Geay) et de l'historien Claude Lelièvre. "La mixité sociale au sein des établissements, ce n’est pas seulement un principe républicain d’intégration sociale, c’est aussi un moteur pédagogique qui, en réduisant les inégalités de performances des élèves, contribue à élever le niveau de tous", écrivent-ils. "Il serait en effet très dommage que la création d’un nouveau lycée vienne bouleverser cet équilibre difficilement conquis et condamne ainsi l’aire géographique concernée à connaître les formes de ségrégation sociale qui prévalent aujourd’hui sur une grande partie du territoire."

jeudi 1 décembre 2011

Le soutien des sociologues de l'éducation: lettre ouverte au président de la région Midi Pyrénées

Monsieur Martin Malvy
Président du Conseil
de la Région Midi-Pyrénées
Paris, le 30 novembre 2011
Monsieur le Président,

Notre système d’éducation ne se porte plus très bien, vous le savez comme nous. Les principes mêmes de l’Ecole Républicaine auxquels nous vous savons comme nous très attachés sont année après année davantage ébranlés. La mixité sociale au sein des établissements est en effet gravement mise en question par des facteurs multiples qui tiennent à l’urbanisation, à la politique actuelle du gouvernement et de certains établissements mais aussi aux stratégies familiales des catégories les plus privilégiées. Or la mixité sociale au sein des établissements, ce n’est pas seulement un principe républicain d’intégration sociale, c’est aussi un moteur pédagogique qui, en réduisant les inégalités de performances des élèves, contribue à élever le niveau de tous. Beaucoup d’études l’ont montré avec clarté. Les enseignants du Lycée Rive-Gauche le savent plus que quiconque pour l’avoir expérimenté sur le terrain. Ils y sont fortement attachés et nous leur apportons tout notre soutien, en tant que sociologues de l’éducation.
Il serait en effet très dommage que la création d’un nouveau lycée vienne bouleverser cet équilibre difficilement conquis et condamne ainsi l’aire géographique concernée à connaître les formes de ségrégation sociale qui prévalent aujourd’hui sur une grande partie du territoire. Les bonnes solutions sont certainement difficiles à trouver mais elles doivent impérativement tenir compte des arguments défendus par les enseignants et les personnels du lycée Rive-Gauche.
Il ne faut pas négliger les effets de découragement et de démoralisation que la création de ce nouveau lycée ne manquerait pas d'avoir sur les enseignants et les autres personnels du lycée Rive-Gauche qui se battent depuis des années pour faire vivre cette mixité sociale, non pas dans les textes, mais bel et bien sur le terrain dans leur travail quotidien.
Certains que ces préoccupations sont aussi les vôtres, nous vous assurons, Monsieur le Président, de nos sentiments respectueux,

Christian Baudelot (Ecole normale supérieure), Stéphane Beaud (Ecole normale supérieure), Choukri Ben Ayed (Université de Limoges), Sylvain Broccolichi (Université d’Artois), Bertrand Geay (Université d’Amiens), Pierre Merle (Université de Rennes), Agnès van Zanten (Observatoire Sociologique du Changement Science Po/CNRS)

Contact : Christian.Baudelot@ens.fr

lundi 28 novembre 2011

2ème communiqué de presse des personnels du lycée Rive Gauche à Toulouse, daté du 17/11/2011

Lycée Rive Gauche au Mirail : chronique d’une ghettoïsation annoncée


La décision de la construction de la deuxième tranche du lycée Françoise à Tournefeuille est sur le point d’être arrêtée. Ensemble la Région et le Rectorat considèrent qu’il est « raisonnable » d’envisager l’ouverture de secondes générales en 2014 dans cet établissement. La communauté éducative de la cité scolaire Rive Gauche continue de penser le contraire et elle a eu l’occasion à plusieurs reprises de le faire savoir et de l’argumenter auprès du recteur d’académie M. Dugrip et de la vice-présidente du conseil régional Mme Belloubet.

En effet, est-il « raisonnable » d’enlever 3 collèges sur 6 dans le périmètre de recrutement d’un lycée ? Y a-t-il déjà eu un précédent où cela n’a pas affaibli durablement un établissement aussi enclavé que le nôtre ?

Est-il « raisonnable » de ne laisser comme base principale de recrutement que des collèges ECLAIR (Bellefontaine, Reynerie, Vauquelin) ? Comment éviter alors que le second cycle ne bascule à son tour dans l’éducation prioritaire comme c’est déjà arrivé il y a quelques années au LP du Mirail avec lequel nous formons une même cité scolaire ?

Est-il « raisonnable » de passer de 15 classes de seconde à 8 classes, de 25% de boursiers à plus de 50% ? Quelle voie générale (séries ES, L et S) pourra bien subsister lorsqu’on sait que 2 classes seront fléchées STI Arts Appliqués et que par projection sur les 6 classes restantes l’orientation majoritaire serait la série STG ? Et comment prétendre que la mixité sociale sera préservée quand plus de la moitié des élèves de ces secondes auront en commun d’être issus de zones urbaines sensibles et de familles socialement défavorisées ?

Est-il « raisonnable » de penser que d’ici 10 ans les nouveaux habitants de Toulouse (à Bordeblanche, à Tibaous, à la Cartoucherie) enverront leurs enfants au lycée Rive Gauche quand celui-ci sera devenu un lycée « ghetto » et de surcroît le plus mal desservi par les transports en commun ?

Est-il « raisonnable » enfin en pleine période de crise économique de financer un lycée supplémentaire alors que d’autres sont quasiment vides comme le lycée Gallieni ou peuvent encore recevoir des centaines d’élèves comme le lycée Matisse à Cugnaux ? Et à quoi aura servi la rénovation onéreuse de toutes les salles de science du lycée Rive Gauche si la filière S (10 classes aujourd’hui) est menacée de tarissement ?

Non, tout cela n’est pas « raisonnable », et c’est pourquoi nous demandons depuis plus d’un an un moratoire sur la construction de la deuxième tranche du lycée Françoise. Nous sommes convaincus que pour que la mutation s’opère sans saper les équilibres de notre cité scolaire, il faut plus de temps et une évolution par étapes avec des bilans intermédiaires. Dans un premier temps, nous préconisons la désectorisation des seuls élèves de Plaisance-du-Touch (ceux qui ont le plus de problème avec les transports car les plus éloignés). Mais avant de passer à celle des élèves de Tournefeuille, nous voulons avoir confirmation que de nouveaux élèves seront venus remplacer ceux de Plaisance-du-Touch afin de garantir les équilibres et la mixité sociale du lycée.

Qui tient vraiment à préserver le Polyvalent du Mirail ne peut pas lui faire courir le risque de se ghettoïser car après il sera trop tard. Au-delà c’est le GPV lui-même qui est en jeu car il ne sert à rien d’investir des millions d’un côté si c’est pour laisser le lycée du secteur se ghettoïser. Il faut donc se donner le temps nécessaire pour accompagner les changements qu’implique l’ouverture d’un lycée général à Tournefeuille.

1er communiqué de presse des personnels du lycée Rive Gauche à Toulouse, daté du 22/11/2010

La perspective de la construction pour la rentrée 2013 de la 2e tranche du lycée Françoise de Tournefeuille, entraînant l’ouverture des séries générales dans cet établissement, inquiète fortement la communauté scolaire du lycée Rive Gauche et ses usagers provenant du secteur toulousain.

Il y a là un problème de fond et de méthode.

Les personnels du lycée Rive Gauche, via leurs représentants au Conseil d’Administration, ont alerté le Président de Région et le Recteur des conséquences pour notre établissement d’une telle ouverture : suppression de 7 classes de seconde sur 14, départ de 717 élèves sur 1271 (56% des effectifs du second cycle) soit une diminution qui va de 40% (série STG) à 85% (série S). Bref, ce serait la fin de l’équilibre des formations et la fin de la mixité sociale.

Depuis des années, le travail de tous a permis de faire du lycée Rive Gauche un lieu de réussite et de mixité, avec de bons résultats et une ambiance sereine. La Région et le Rectorat y ont contribué en faisant le choix d’élargir son recrutement en améliorant son image : filière arts appliqués, sections européennes, création d’une CPGE Lettres et d’une prépa IEP, rénovation de nombreux bâtiments dont celui dédié aux disciplines scientifiques, … Raisons de plus de ne pas le vider et de ne pas ruiner le travail des équipes, en prenant le risque d’en faire en très peu de temps un lycée « ghetto » avec un second cycle quasi inexistant.

Si le maintien de la mixité sociale est une condition préalable, comme le déclarent publiquement M. le président Malvy et M. le recteur Dugrip, alors cette question doit être réglée AVANT de prendre la décision de la construction de la 2e tranche du lycée Françoise. Un tel investissement a un coût et risque de n’avoir que des effets négatifs, en dehors de la réduction du temps de transport scolaire (qui peut et doit être envisagé autrement). Nous voulons la garantie que le lycée Rive Gauche restera un service public de proximité et de qualité pour les collégiens des différents quartiers toulousains de son secteur (Bellefontaine, Mirail-Université, Pradettes, Reynerie, Saint-Simon). Or, à ce jour nous ne connaissons pas la nouvelle carte des formations prévue pour notre établissement et nous n’avons aucune certitude sur les zones d’habitation d’où pourraient provenir les nouveaux élèves indispensables pour compenser le départ envisagé des Tournefeuillais et des Plaisançois (pas plus que nous ne connaissons le temps de transport pour ces élèves éventuels).

Nous ne pouvons plus nous contenter des engagements publics et des bonnes intentions. Nous sommes résolument déterminés à défendre notre lycée qui joue un rôle d’utilité publique et sociale pour le secteur où il est implanté. Nous attendons des garanties nécessaires et des engagements écrits sur le maintien de la mixité sociale et d’un second cycle général et technologique tertiaire conséquent.


A Toulouse, le 22 novembre 2010

Mon témoignage en faveur du lycée Rive Gauche...

Nous vous invitons ici à publier votre témoignage sur le lycée Rive Gauche en commentant cet article.